lundi 22 mai 2017

Premier album, septième pellicule : figures.

On m'écrit : « J'aime ce passage. » Alors, tiens, puisque je l'aime aussi, je le recopie. C'est dans Mémoires des failles, paru il y a juste deux ans aux éditions de l'Attente.

Premier album, septième pellicule : figures.

Rien d’étonnant dès lors dans la tentation, récurrente à cette époque, de se couper du reste du monde. Ce n’est pas difficile. Il suffit de fermer les yeux. De les fermer très fort. Ça ne les empêche pas de voir, oh non, loin de là. Mais au moins, on sait à l’avance, à peu de choses près, ce qu’on va voir : le spectacle est toujours le même.
C’est un spectacle abstrait. Il commence doré et soyeux, en perpétuel et total mouvement, décomposable à l’infini en de multiples échanges d’infimes allers et de retours symétriques, organisé autour d’un centre en couronne pseudo-circulaire aplatie horizontalement, plus foncé dans sa périphérie indécise et presque angora, plus lumineux à l’intérieur, avec sans doute, au centre du centre, un point de fuite tel un point de chute, aussi bien noir qu’éclatant, principe essentiel autour duquel le reste s’organise. Mais bien avant d’en avoir pris une telle conscience c’est, sur la même structure concentrique, une tonalité tout autre qui brusquement et sournoisement se révèle, des motifs quasi algébriques, crépitant de blancheurs à angles droits, sur des fonds de couleurs primaires, rouges dans les parties intermédiaires, jaune éclatant au milieu, bleu ou vert sombre et froids aux bordures à peine perceptibles. C’est d’autant moins plaisant, moins chatoyant que l’on commence à percevoir un mouvement essentiel dont on comprend qu’il a toujours été là, et dont seule la somptueuse richesse des débuts a empêché la prise de conscience ; une lueur autoritaire sous-jacente au centre du panorama, qui agite régulièrement, avec une vivacité difficilement supportable, des membres indéfinis et venteux de mécanique intérieure, balayant les restes dépréciés d’une algèbre éparse, se manifestant de plus en plus clairement comme une menace telle qu’il devient impossible de rien voir d’autre, de sorte qu’on ne peut poursuivre.

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