lundi 19 octobre 2015

Temps variable sur Booming



Mika Biermann (Mika Biermann, c’est notamment le récent auteur de Mikki et le village miniature, rappelez-vous) a écrit un roman où il est question du temps qui s’arrête, ralentit ou même retourne en arrière, selon par exemple qu’on est du pays ou qu’on arrive d’ailleurs ; et tout cela avec une rigueur quasi scientifique : impossible d’agir sur un monde au temps arrêté ; tout y est dur et figé, on s’y transperce les doigts au contact des poils d’un lapin qu’on veut saisir, on s’y trancherait le cou à se précipiter imprudemment contre un fil d’araignée. Les règles du genre vous sont familières, vous l’avez à coup sûr reconnu : Booming, le nouveau roman de Mika Biermann, aux éditions Anacharsis, est évidemment un western (un peu à la même manière de son auteur qui, au cas où vous ne le sauriez pas, est un Allemand de Marseille).
Ce qui est bien pour ce blog avec Mika Biermann, c’est qu’il me donne l’occasion de tenir les propos les plus aberrants en apparence tout en respectant la plus scrupuleuse vérité. Mika Biermann était tout récemment l’invité de la librairie Charybde, je l’ai écouté attentivement ; c’est indiscutablement un Allemand de Marseille qui a écrit un roman sur les contractions et les dilatations du temps, lequel roman se révèle et même s’annonce franchement comme un western – ce qu’il est vraiment, car l’auteur n’est pas de ceux qui trompent leurs lecteurs sur la marchandise.
D’ailleurs si je vous dis que Pato Conchi et Lee Lightouch se rendent à Booming parce que Kid Padoon a enlevé la fiancée de Conchi, et que c’est là la motivation première et essentielle de nos deux protagonistes (enfin, surtout de Conchi, on le comprend) – car ils vont par deux –, vous admettrez que j’ai raison, ou tout au moins que je n’ai pas encore complètement perdu cette dernière. Tous les ingrédients du western sont là : le paysage, d’abord, le seul à s’en tirer un peu parce que moins atteint par la frénésie de mouvement qui nous anime ; et puis les personnages, les bandits, le shérif véreux, les prostituées, le croque-mort ; et les thèmes, qui sont comme la musique du roman, la belle amitié d’abord qui lie nos deux héros, le destin dessiné par la trajectoire des balles en suspens, dont on sait à l’avance les victimes sans pouvoir les sauver si l’envie nous en prenait – et quand le temps se ralentit le western un instant devient spaghetti, gros plans sur la balle qui approche, sur le visage grimaçant de sa cible ; et puis, surtout et de plus en plus au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture, la nostalgie, car le western reste avant tout pour nous l’évocation mythique d’un passé pourtant récent mais déjà disparu.


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